La procession s’est arrêtée. L’air est frais, l’atmosphère lumineuse, le cadre limpide. Nous sommes aux premières heures de ce matin de printemps. Le ciel est encore pâle, presque blanc. Sur la prairie verte pointent déjà de jeunes herbes précoces.
Rompant le silence des champs, s’élève lentement la voix rauque du vieux prêtre :
— Seigneur, Père saint, toi qui as ordonné à l’homme de garder et de cultiver la terre, nous te supplions de nous accorder toujours des récoltes abondantes, de donner fertilité à nos semailles et, en éloignant de nos champs les orages et la grêle, de permettre aux semences de germer avec abondance, par Jésus-Christ notre Seigneur.
Tous, à l’unisson, répondent : — Amen !
Avec l’hysope, il asperge les champs dans les quatre directions des points cardinaux. Autour de la Vierge, qui domine la plaine sous le dais de son riche piédestal d’argent, son trône, tout le village se rassemble. Chacun arbore ses plus beaux atours, à la manière goyesque, avec des foulards noués sur la tête ou des résilles. La cérémonie se pare de la plus grande solennité : on a sorti les étendards et les bannières des confréries, on porte des lanternes, deux enfants de chœur font tournoyer avec ardeur leurs encensoirs, exhalant des nuées blanches d’encens qui se délitent dans l’atmosphère.
Face au prêtre, refermant le cercle formé pour la cérémonie, se dresse la croix processionnelle de tête, flanquée de deux acolytes revêtus de somptueuses dalmatiques. L’un d’eux est penché, tentant d’allumer le cierge dans l’une des lanternes, éteint par la douce brise du matin. Tout se déroule avec la naturalité de la vie des champs, sans rien perdre de sa solennité.
Le silence respectueux des paysans, le geste rituel du prêtre, l’attitude dévote des figures révèlent une atmosphère particulière, où l’humain et le divin se rejoignent. La terre, la foi et l’effort humain s’entrelacent.
Dans les cœurs, l’espoir d’une bonne récolte, d’être préservés des tempêtes, de la grêle ou des gelées. Une supplication silencieuse et ardente. Et, en accord avec cela, comme de bons laboureurs, le regard tourné vers le ciel, toujours vers le ciel.
Source : https://www.tesorosdelafe.com/articulo-2075-la-bendicion-del-campo-en-1800
Photo : Salvador Viniegra, Public domain, via Wikimedia Commons