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La sainte tristesse du Divin Crucifié

Par Plinio Corrêa de Oliveira

Ce qui impressionne le plus dans cette œuvre d’art, c’est la douleur et la tristesse du divin Crucifié. Les mauvais traitements infligés par les bourreaux qui, sans l’aide maladroite d’un personnage préternaturel, n’auraient pas été capables d’une telle cruauté, ont contribué à cette douleur.

L’Homme-Dieu a souffert dans sa nature humaine. Tout être humain, sans l’aide spéciale du Père céleste et des anges, ne serait pas capable d’endurer une telle souffrance. Il convient de souligner que la tristesse du Rédempteur est davantage due aux péchés de l’humanité, rachetée par sa passion et sa mort, qu’aux tourments physiques qu’Il a endurés.

Autrefois, comme aujourd’hui, il est particulièrement impressionnant pour les âmes fidèles de considérer Jésus-Christ souffrant sur la Croix. Bien que de nombreux autres événements vénérables et émouvants aient eu lieu pendant la Passion – par exemple, la Flagellation et le Couronnement d’épines – c’est le fait de considérer le Divin Sauveur au plus fort de ses souffrances, cloué sur la Croix, qui fait le plus appel à la piété des vrais catholiques.

Cette disposition d’âme est diamétralement opposée à la joie mondaine dominée de nos jours, de façon particulière, par l’atmosphère créée par les médias et par le cinéma : une joie artificielle, agitée, qui va jusqu’au dérèglement, assoiffée de péché ou déjà imbibée par celui-ci.

Certains affirment que le catholique doit toujours avoir une physionomie joviale et déborder de satisfaction, invoquant à l’appui de cette position la pensée de saint François de Sales : « Un saint triste est un triste saint ».

Il faut cependant savoir distinguer la tristesse saine de la tristesse malsaine. Le même saint le précise dans ses Pensées consolatrices, en invoquant l’enseignement de saint Thomas d’Aquin : « La tristesse peut être bonne ou mauvaise, selon les effets qu’elle produit en nous ».

Ainsi, le propre de l’âme vertueuse peut être d’éprouver une bonne tristesse et même de la laisser transparaître dans sa physionomie, car elle édifie le prochain. Notre Seigneur a expérimenté et manifesté cette tristesse au Jardin des Oliviers, lorsqu’Il a dit : « Mon âme est triste jusqu’à la mort » (Mt. 26:38). Et aussi du haut de la Croix, en manifestant la tristesse et l’angoisse, le Dieu humain a touché et converti des âmes comme celles du Bon Larron et de Longinus.

De même, la tristesse que les personnes vertueuses laissent transparaître sur leur visage peut attirer et édifier. C’est à cette tristesse que l’Esprit Saint fait allusion : « Par la tristesse du visage, le cœur du pécheur se corrige » (Ecclesiaste 7,4).

De même que l’on peut distinguer deux sortes de tristesse, on peut parler d’une joie sainte, qui édifie, et d’une joie mondaine, qui scandalise. C’est à cette dernière joie que se réfère l’Esprit Saint, lorsqu’il dit : « Car le rire des insensés est comme le bruit des épines quand elles brûlent sous la marmite ; c’est donc aussi une vanité » (Eccl. 7,7).

Malheureusement, dans les jours de folie et d’égarement que nous vivons, cette fausse joie prévaut dans presque tous les esprits et tous les milieux. C’est une époque secouée par une immense crise religieuse et morale, qui a fait pleurer de nombreuses images de la Sainte Vierge dans diverses parties du monde.

On comprend, dans ces conditions, que le vrai catholique, tout en ressentant et en exprimant une joie édifiante, ne manque pas d’éprouver dans son âme une pointe de tristesse digne et virile, propre à celui qui accompagne la Passion de Notre-Seigneur jusqu’au sommet du Calvaire. Et pour chaque catholique qui souffre à cause du « mystérieux processus d’auto-démolition » de l’Église, les douleurs imprimées sur le visage expressif du Crucifié prennent une signification profonde !

Il y a deux aspects de la sculpture où le travail artistique, et en particulier l’expression physionomique, révèle sa maîtrise. Il y a d’abord les lèvres ouvertes, entre lesquelles on aperçoit les dents. Le menton, qui s’affaisse légèrement, donne l’impression d’un tel abandon de force qu’il ne suffit même pas à maintenir les lèvres fermées. Puis les yeux sont tristement fixés sur quelque chose. Paradoxalement, ils ne semblent pas voir. Le regard est distant, comme s’il considérait quelque chose de très différent, ce qui provoque la désolation.

Mais, malgré la nature extrême de cette douleur – de nature morale plutôt que physique – il y a une paix, une miséricorde, une douceur de sentiments dans le visage du Crucifié, dans lequel la fureur n’est pas présente. La tristesse, oui, est présente tout au long du tableau, mais telle est la tristesse de cet homme condamné à mort, telle est son attitude sublime, qu’elle dépasse, et de loin, la majesté d’un roi !

L’artiste a très bien su représenter les cheveux de Notre Seigneur. Ils ne sont pas soigneusement peignés, car cela ne servirait à rien après tout ce qu’il a souffert. Par contre, ils sont magnifiquement ébouriffés, de sorte qu’ils forment de belles boucles. La barbe est si petite qu’elle ne peut guère être ébouriffée. Elle tombe proprement, encadrant le visage.

Le tableau est complété par une lueur d’argent sur la tête divine, au centre de laquelle se trouve une topaze, avec le langage muet des pierres précieuses.

Sans la topaze, il manquerait quelque chose, qui ne pourrait pas être dit explicitement. La topaze, la pierre d’or, affirme peut-être que, derrière la douleur et plus haut qu’elle, quelque chose brille, malgré tout : la gloire !

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L’expression est peut-être encore plus impressionnante que celle de la photo précédente. Elle a été prise d’un angle où l’on a presque l’impression que l’on va, à un moment ou à un autre, entrer dans le champ de vision de ce regard. La note de tristesse est encore plus touchante. On voit mieux la couronne d’épines. De grosses épines transpercent le front de Notre Seigneur. Sur le front, au-dessus de l’œil gauche, on remarque une piqûre. On a l’impression qu’une épine a transpercé cet endroit, laissant une profonde blessure représentée par un rubis. Le sang, qui coule avec une certaine douceur, coule aussi le long du corps divin de manière à former de longs fils, à l’extrémité desquels une goutte est représentée par un rubis.


Bien qu’il y ait quelque chose de subjectif dans une telle description, il me semble que l’impression de désolation et d’impuissance est plus accentuée ici que dans les images précédentes. C’est une douleur qui est présentée comme irrémédiable, sans limites, aboutissant inexorablement à la mort. La mort est annoncée, non pas avec les consolations du ciel, mais enveloppée d’une profonde désolation. Car le Crucifié a en vue la méchanceté des hommes qui se retournent contre Lui.

Il y a certainement une différence entre cette physionomie et celle du bon larron lorsqu’il entendit du Sauveur la phrase réconfortante : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc. 23:43). Notre Seigneur a d’abord assuré qu’il y serait aussi et que le bon larron le rencontrerait. Saint Dismas fut donc le premier canonisé de l’histoire. Le Bon Larron a demandé pardon et le Rédempteur lui a pardonné. À ce moment-là, Notre Seigneur a voulu lui donner cette satisfaction pour qu’il franchisse avec courage le terrible seuil de la mort. Mais cette joie n’est pas visible sur ce visage. Et c’est compréhensible, car Notre Seigneur a voulu boire jusqu’au bout la coupe de la souffrance. Une coupe de fiel, Il voulait tout boire, et souffrir autant qu’il était possible de souffrir. Mais, à son compagnon de tourments, le divin Maître a voulu accorder une consolation à l’heure du dernier passage.

Peu après, il connut lui-même la joie sublime lorsque son âme sacro-sainte, hypostatiquement unie à la Très Sainte Trinité, fut séparée du corps et libérée des souffrances corporelles et spirituelles. Consummatum est ! – Tout est achevé » (Jn 19,30). L’holocauste, volontairement accepté par notre amour et supporté dans son intégralité, est arrivé à son terme.

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Sur cette photo de profil, la désolation semble encore plus profonde. Il semble que la mort ne tarde pas à venir. Et la désolation morale, causée par les péchés de toute l’humanité, semble particulièrement marquée sur cette physionomie. Les souffrances physiques ont été largement dépassées par cette désolation, et l’expression physionomique, reflétant une certaine perplexité, communique une sorte de lamentation muette : « L’impiété des hommes a-t-elle atteint ce sommet ?

Catholicisme, n° 423, mars 1986.

Source : https://www.tesorosdelafe.com/articulo-345-la-tristeza-santa-del-divino-crucificado

Source photo : Francisco Javier Martín Fernández, CC BY 2.0 via Wikimedia Commons

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