Toute civilisation commence par des prêtres, des cérémonies religieuses et même des miracles. Il n’y a jamais eu, il n’y aura jamais, il ne peut y avoir d’exception à cette règle.
Les rois de France connaissaient ces lois communes à tous les peuples, lorsque saint Remigius à Reims ordonna à Clovis, lorsqu’il le consacra roi des Francs :
« Incline ta tête, ô sycomore, adore ce que tu as brûlé et brûle ce que tu as adoré ».
Mais le pouvoir du roi de France vient de Dieu par un autre titre, plus particulier. Un jour, sainte Jeanne d’Arc demanda au roi Charles VII de lui donner son royaume. Charles VII est gêné, mais accepte.
Sainte Jeanne d’Arc fait rédiger un document attestant le fait. Puis, devant les mêmes notaires, et en tant que maîtresse de la France, elle la remet à Dieu, Roi du Ciel.
Et le Roi du Ciel et Roi de France, par la même Jeanne, fit de Charles, ainsi que de ses successeurs, son divin procurateur.
Catholique, sachant bien que ce n’est qu’au sein de l’Église qu’elle s’accomplit parfaitement, c’est ainsi, en tant que procuratrice de Dieu, que la France en liesse accepta et apprécia de voir son roi.
C’est pourquoi rien ne l’enthousiasma autant que le moment où, dans cette même cathédrale de Reims, il s’agenouilla devant le grand Pontife et entendit ces paroles solennelles :
« Je te consacre Roi avec cette Sainte Huile, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ».
La cérémonie du sacre de Louis XVI commença par des prières à six heures du matin, le dimanche de la Trinité 1775. Le dimanche de la Trinité en 1775.
Mais dès quatre heures, la nef est pleine et les dames, en tenue de gala, s’installent à leur place.
Une tribune avait été érigée pour que Marie-Antoinette et les princesses puissent mieux voir, sans se mêler à la foule.
Dans la nef, les princes de sang, les ducs, les maréchaux de France, les pairs ecclésiastiques, le clergé et la magistrature sont placés en ordre.
A six heures et demie, entrée solennelle des six princes, couronnés et revêtus de leurs plus somptueuses robes de cérémonie, représentant les trois plus anciens duchés et les trois plus anciens comtés du royaume.
Il s’agit de Monsieur, le Comte d’Artois, le Duc de Bourbon, qui forment les six pairs laïcs. Les six pairs ecclésiastiques portent des vêtements pontificaux.
Selon le cérémonial traditionnel, le Roi attend couché, vêtu d’une longue robe de dentelle d’argent, sur le lit de Louis XIII, comme s’il était endormi.
Les deux évêques frappent à la porte. De l’intérieur, le duc de Bouillon, chambellan en chef, demande :
- Qui cherchez-vous ?
- Le roi, répondent les évêques.
- Le roi dort, répond le grand chambellan.
- Nous cherchons Louis XVI, que Dieu nous a donné pour roi.
La porte s’ouvre et les deux évêques bénissent le roi. Puis c’est l’entrée solennelle dans la cathédrale.
Au son des cloches, l’archevêque et le clergé viennent en tête du cortège royal, ouvert par le connétable de France, représenté par le vieux maréchal de Clermont-Tonnerre, portant l’épée royale, inclinée vers le haut.
Suivent une centaine de gardes suisses avec hautbois, tambours, clarinettes, flûtes et fifres, les ducs – Bouillon, Duras et Liancourt – et neuf comtes avec leurs couronnes, leurs longs manteaux d’hermine et leurs tuniques d’or.
Puis, entre les deux évêques délégués, le roi. Enfin, les capitaines des gardes, vêtus de tuniques et de manteaux d’étoffe d’or, et toute la suite en robe de satin blanc.
Le spectacle de ce défilé de costumes d’or, d’argent, de dentelle, de velours et de soie, où dominent le noir, le blanc et le violet, avec quelques nuances de pourpre et de rouge qui rehaussent l’ensemble, est superbe.
Sa Majesté est assise dans un fauteuil sous le grand dais dressé au milieu du sanctuaire.
Le vénérable archevêque de Reims, le cardinal de la Roche-Aymon, bel octogénaire, a tenu à officier en personne, malgré son âge.
Après le Veni Creator, le prieur majeur de l’abbaye de Saint-Rémy s’est présenté à l’entrée de la cathédrale, portant le saint ambon, dont l’origine est miraculeuse.
Il a été apporté par une colombe du ciel pour le sacre de Clovis. Depuis, elle est sous la garde du prieur de Saint-Rémy. Elle ne quitte l’abbaye que pour l’onction des rois de France.
Le prieur-major la conduit, monté sur un cheval encagé de soie blanche – comme la colombe miraculeuse – sous un dais porté par les quatre barons de l’ambre sacré : MM. de la Rochefoucauld, de Talleyrand, de la Rochechouart et de la Roche-Aymon.
Dès que l’archevêque a reçu le saint ambon et l’a placé sur l’autel, l’évêque-duc de Laon et l’évêque-comte de Beauvais ont levé Louis XVI de son trône pour demander à l’assistance si elle l’acceptait comme roi.
La réponse à cette question consiste en un silence respectueux, qui remplace les acclamations d’antan.
L’archevêque s’approche du roi et lui demande sécurité et protection pour l’Église, ce que le roi lui promet. Les deux évêques lui présentent ensuite la formule du serment royal, qu’il prononce à haute voix en latin, assis et la tête couverte.Il s’engage à maintenir la paix dans l’Église de Dieu, à exterminer les hérésies, à défendre son peuple contre la rapine et l’iniquité, à gouverner avec justice et miséricorde, à maintenir l’ordre dans le royaume et à mourir dans la religion.La Sainte Ampoule avec l’huile miraculeuse avec laquelle tous les rois de France ont été consacrés depuis la conversion de Clovis.La Sainte Ampoule avec l’huile miraculeuse avec laquelle tous les rois de France ont été consacréstous les rois de France depuis la conversion de Clovis
Il prête également les serments de souverain grand maître de l’ordre du Saint-Esprit et de l’ordre de Saint-Louis, et jure d’observer les édits sur les duels.
Porté à l’autel et dépouillé de son vêtement d’argent, l’archevêque se prosterne à ses côtés et les évêques récitent les litanies, en alternance avec le chœur. C’est l’humiliation avant l’exaltation.
L’archevêque prend de l’huile dans l’ambon et l’oint sept fois en disant :
« Je te consacre Roi, avec cette Huile Sainte, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ».
La couronne d’or, de pierres précieuses et de diamants, le sceptre d’or de Charlemagne, le bâton de justice et le manteau royal sont préparés sur l’autel.
Ils sont remis au roi en ces termes :
« Recevez ce sceptre, symbole du pouvoir royal, sceptre de la justice et règle de la vertu, pour bien vous conduire, vous, l’Église et le peuple, pour vous défendre contre les méchants, pour corriger les pervers et pour pouvoir passer d’un royaume temporel à un royaume éternel. »
Le Roi est sacré. La cérémonie du couronnement va commencer.
Source : https://catedraismedievais.blogspot.com/2015/06/reims-catedral-da-sagracao-dos-reis-da.html
Source photo : Image par Denis Doukhan de Pixabay