Enrichie aux portes de Paris par les eaux vertes de son principal affluent de l’est, la Marne, la Seine serpente paresseusement de la capitale française vers la mer, en passant par la belle et ancienne capitale de la Normandie : Rouen, fondée au IIe siècle.
Dans ce dernier tronçon, ses imposantes falaises de calcaire blanc forment un véritable mur sur sa rive droite, abritant d’innombrables habitations « troglodytes ». Beaucoup y font leurs caves, leurs celliers, leurs habitations et même leurs églises.
La Normandie ! L’une des plus belles et des plus typiques régions de France, avec ses jolies chaumières aux poutres apparentes, couvertes de chaume (paille de blé ou de seigle).
Ses habitants rieurs et sympathiques, comme la Normande Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus, ne semblent pas remonter aux terribles Vikings venus du nord, notamment de Norvège et du Danemark.
Pourtant il en fut ainsi.
La France, comme nous le savons, est issue de l’ancienne Gaule, dominée par les Romains 50 ans avant Jésus-Christ.
Plus tard, les Francs de Germanie s’installent au nord de la Lutèce romaine pour conquérir le cœur de ce qui deviendra plus tard leur royaume.
La conversion de Clovis en 496 fut pour les Francs ce que la conversion de Constantin avait été pour l’Empire romain en 313.
Christianisées dès le IIe siècle, Rouen et sa région sont occupées par Clovis en 497. Les premiers monastères qui y sont fondés remontent au VIe siècle.
Au milieu du VIIe siècle, à l’époque mérovingienne, le roi Dagobert a pour chancelier Ouen, proche de Filisbert et de Wandrille.
Les trois amis ont été canonisés par l’Eglise à une époque où la sainteté était prise au sérieux…
St Ouen (prononcé « uã ») devient évêque de Rouen et fonde la célèbre abbaye qui porte encore son nom.
Wandrille fonde en 649 l’abbaye de Fontenelle, aujourd’hui appelée St Wadrille, également sur la Seine.
Peu après, en 654, saint Filisbert érige l’abbaye de Jumièges, située entre les deux précédentes, sur la rive droite du troisième méandre de la Seine après Rouen, à un peu plus de 20 kilomètres de cette capitale.
Après la mort du fondateur en 685, l’abbaye fut décimée par une épidémie qui coûta la vie à plus de 400 moines.
Néanmoins, comme Fontenelle, Jumièges se développe rapidement. Un document fait état de 114 moines en 826 : le Livre de confraternité, provenant de l’abbaye de Reichenau, à laquelle l’abbaye de Jumièges était liée par une communauté de prière.
D’autres sources, moins fiables, parlent de 900 moines au siècle précédent.
Favorisée par les dons des rois et des grands seigneurs, l’abbaye de Jumièges se fait connaître par sa générosité envers les nécessiteux et les pèlerins.
Mais son histoire ne fait que commencer. Depuis le IIe siècle, les côtes de la Manche sont régulièrement envahies par d’audacieux guerriers vikings venus de Scandinavie.
Au début du IXe siècle, les hommes du nord – d’où le nom de Normands – reviennent pour s’installer. En 841, pénétrant dans la vallée de la Seine, ils brûlent Rouen et Jumièges, et assiègent même Paris (885).
La paix est obtenue par un traité dans lequel le roi des Francs confère au chef viking Rollon le titre de duc de Normandie.
Le roi Charles le Simple leur concède des terres en 911 et 924. Le roi Raoul en cède d’autres en 933. Et les Normands, apaisés, permettent aux moines de retourner dans leurs monastères.
Lorsque le deuxième duc de Normandie, Guillaume la Longue Epée, découvre les ruines de Jumièges lors d’une partie de chasse, il décide de faire reconstruire l’abbaye.
Il demande à sa sœur, mariée au comte de Poitiers, de la faire habiter par des moines. Avec l’appui du duc, les moines purent reconstruire Jumièges. Cela se passa en 940, ou peu avant.
Avec l’assassinat du duc Guillaume en 942, la Normandie connaît de nouveaux bouleversements.
Le gouverneur de Rouen, Raoul Torta, fait alors détruire l’abbaye afin d’utiliser ses pierres pour réparer une forteresse.
Une nouvelle vie s’ouvre cependant vers l’an 1000, lorsque le duc Richard II envoie de l’abbaye de Cluny le moine Guillaume de Volpiano, dont le disciple, Thierry, devient abbé de Jumièges, avec autorité également sur les abbayes de Bernay et du Mont St-Michel.
Il décide de faire reconstruire et restaurer l’église abbatiale Notre-Dame. Mais les travaux ne seront achevés que par son successeur, Robert Champart, en 1040.
(Auteur : Gabriel J. Wilson, dans « Catolicismo », juin 2016).
Source : https://catedraismedievais.blogspot.com/2016/09/abadia-de-jumieges-em-pe-atraia-as.html
Source photo : © Raimond Spekking / CC BY-SA 4.0 (via Wikimedia Commons)
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