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Sur le chemin d’Emmaüs

Par Philippe Barandiarán

À la fin des festivités de la Pâque, deux habitants rentrent le jour même, le dimanche de Pâques, au village d’Emmaüs, aujourd’hui Al-Qubeiba, à une douzaine de kilomètres de Jérusalem, lorsqu’un mystérieux pèlerin les rattrape. Il est vêtu d’un court costume de marche bleu clair avec une ceinture marron. Il utilise un bâton pour le voyage, qu’il pose délicatement sur son épaule droite. On peut voir les blessures causées par les ongles dans ses deux mains. Il se couvre la tête d’un grand chapeau dans lequel est cousue une coquille Saint-Jacques, allusion évidente à Compostelle.

Et touchant légèrement l’épaule de la personne la plus proche, de sorte qu’elle s’arrête de marcher, il lui demande : « De quoi parlez-vous, pourquoi êtes-vous triste ? »

Ils s’étonnent que l’étranger ignore tout ce qui s’est passé à Jérusalem pendant la Pâque. « Tu es le seul étranger qui ne sait pas ce qui s’est passé », répondent-ils avec un certain air de mécontentement que Altobello Melone saisit dans son tableau en les peignant dos à Jésus, ne manifestant aucune envie de faire la route ensemble. Le disciple à la barbe grise lève la main en signe de refus, de désintérêt. L’autre tend la main, également dans un geste de renvoi, sans vouloir s’arrêter.

Mais ils soulagent leur tristesse en lui racontant comment Jésus a été condamné à mort et crucifié.

« Nous avons cru, lui disent-ils, qu’il sauverait Israël, mais cela fait trois jours que ces événements se sont produits. Par contre, certaines femmes disent qu’il est ressuscité ». Des « histoires de femmes », observent-ils avec mépris.

Une tristesse intime et une profonde déception palpitaient dans ces mots…

L’étranger, sans encore se faire connaître, répond par une exclamation de reproche : « O insensés et lents de cœur à croire ce qu’ont dit les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses et entrât ainsi dans sa gloire ? »

Et il se met à leur expliquer les Écritures, en partant des textes de Moïse, et il cite les prophéties d’Ezéchiel et les versets des Psaumes et les paroles de Daniel et d’Isaïe, et sa voix s’infiltre dans l’âme des disciples comme si elle était l’écho d’une autre voix bien connue, qui les avait jadis remplis d’espérance. Ils arrivèrent aux premières maisons du village, et le pèlerin se prépara à se mettre en route ; mais ses auditeurs, attristés que le don de sa parole prenne fin si tôt, lui dirent : « Reste avec nous, car il se fait tard et le jour décline. » Ils le prirent par la main et le conduisirent dans leur maison. Ils préparèrent le repas, et l’invité prit la place d’honneur. C’était à lui de bénir le repas. Il prend le pain, le rompt et le bénit, comme à la dernière Cène ; et dans ce geste, les yeux étonnés des disciples reconnaissent Jésus. Ils voulaient se jeter à ses pieds, ils voulaient lui baiser les mains, mais il avait disparu.


Dans cette œuvre pleinement Renaissance, l’artiste joue avec les symboles : il conçoit le chemin d’Emmaüs comme une sorte de chemin de Saint-Jacques, où le Christ vient à notre rencontre par surprise, comme dans la vie, au moment où l’on s’y attend le moins. Sur ses mains, nous voyons la marque rouge des clous. Celui qui nous accompagne est blessé, comme nous.

Les deux disciples sont vêtus en habits du Nouveau Testament, mais il peint Jésus de manière anachronique, dans les costumes de la Renaissance de son époque, pour nous convaincre que la venue du Christ et son enseignement sont toujours actuels et contemporains.

De plus, Jésus ressuscité nous tend toujours la main, désireux de nous toucher dans notre lutte et notre misère, tout comme Il touche affectueusement l’épaule du disciple.

Source : https://www.tesorosdelafe.com/articulo-2026-camino-de-emaus

Photo : Altobello Melone, Public domain, via Wikimedia Commons

Posted in Temps Pascal