Ce qui maintient l’ordre social aujourd’hui, ce ne sont pas des principes indispensables, mais des habitudes sociales en lambeaux. Les restes de savoir-vivre du passé fournissent les éléments de base pour s’entendre. Les gens se rencontrent et se saluent, mais ils ont perdu les raisons pour lesquelles ils le font.
Au fur et à mesure que ces vieilles habitudes s’estompent, les gens font ce qu’ils veulent sans se soucier des autres. Il en résulte un manque de civilité et d’ordre que tout le monde ressent.
Une transformation importante
La situation était déjà mauvaise avant la pandémie. Cependant, les fermetures ont considérablement aggravé la situation. Cette dernière a bouleversé ce qu’il restait de ces habitudes et de ces manières. La crise a brisé le rythme de coutumes fragiles et les gens ne sont pas encore revenus à la normale. Beaucoup de choses ne reviendront jamais.
La pandémie a également modifié la façon dont les gens interagissent dans la société. Les gens se sont repliés sur eux-mêmes et ont aujourd’hui du mal à se socialiser. Les relations personnelles ont été désynchronisées. Beaucoup ne veulent pas essayer de rétablir ces liens essentiels qui maintiennent l’équilibre général des choses.
En effet, on a tendance à mesurer l’immense impact économique, politique et éducatif de la pandémie. Mais c’est son impact sur la vie sociale qui apparaît aujourd’hui. Et il est dévastateur.
La perte des normes de civilité
Cette transformation radicale peut être observée lors d’événements sociaux et dans des espaces publics partout dans le pays. Les gens adoptent des comportements de plus en plus agressifs et incivils. Les organisateurs d’événements signalent qu’il est plus difficile de contrôler et de gérer les foules après la pandémie. Les gens pensent qu’ils peuvent se débarrasser de leurs vieilles habitudes et règles.
En effet, les personnes qui s’étaient isolées en quarantaine s’expriment avec peu d’égards pour les autres. Après deux ans d’isolement, elles se comportent comme si elles étaient chez elles, où elles font ce qu’elles veulent. Certaines en arrivent même à blesser leur entourage. Les normes de civilité et de charité sont oubliées.
Lancer des objets sur les artistes
Une nouvelle tendance se dessine dans les concerts. Les gens lancent des objets sur les artistes, souvent en les blessant . Ces incidents sont même devenus un phénomène sur les médias sociaux. Les spectateurs partagent des vidéos d’artistes frappés par des objets, des boissons ou des bouteilles, comme si cela faisait partie du spectacle.
Les promoteurs de concerts renforcent la sécurité en contrôlant les fans et en interdisant les objets susceptibles de causer des blessures. Cependant, tout n’est pas contrôlable.
Dans un cas, une chanteuse a été touchée à l’œil par un bracelet d’amitié, tandis qu’une autre a eu besoin de points de suture après avoir été frappée au visage par un téléphone portable. L’artiste Pink a réagi à un coup de verre en jetant un micro sur l’agresseur, ce qui a failli déclencher une bagarre.
Les fans sont chahuteurs, crient après les artistes et chantent avec eux alors qu’ils ne sont pas censés le faire. Le concert est devenu une expérience personnelle du spectacle projetée ensuite sur les médias sociaux.
Transformer le théâtre en un théâtre personnel
Une autre tendance inquiétante est le mauvais comportement dans les salles de cinéma. Les home streamers de COVID reviennent maintenant dans les salles de cinéma. Ils apportent avec eux des habitudes privées qui témoignent d’un manque de respect pour les autres spectateurs. C’est comme s’ils se sentaient autorisés à enfreindre les règles après une si longue absence du grand écran.
Avant le COVID, la règle non écrite était de ne pas perturber le visionnage des autres en sortant les téléphones portables avec leurs écrans lumineux et distrayants. Aujourd’hui, les téléphones portables sont partout et perturbent le visionnage.
Certains cinéphiles se plaignent des flashs des appareils photo lorsque des personnes postent des vidéos des films. Parfois, des films entiers peuvent être trouvés en ligne de manière fragmentaire. Lorsque le film devient ennuyeux, d’autres sortent leur écran dans les salles obscures, font défiler leurs courriels, utilisent TikTok ou même écoutent des vidéos bruyantes sur YouTube.
Les gens prennent également des selfies aux points culminants de l’intrigue. Une nouvelle génération de spectateurs a transformé la salle de cinéma en un lieu privé d’où ils peuvent poster leurs frasques sur les médias sociaux.
Transformer le cinéma en expérience
Et les pitreries ne manquent pas. Il semble que l’objectif soit de transformer les films d’expériences passives en expériences actives. Ce n’est plus le film qui compte, mais la façon dont le spectateur le regarde.
Les cinémas rapportent des débordements d’ivresse, des bagarres et de l’exhibitionnisme à l’intérieur de cet espace public. Ceux qui protestent contre ces frasques disent qu’ils doivent choisir leurs batailles avec soin en raison du nombre et de la volatilité des délinquants.
Les cinéphiles peuvent s’attendre à des conversations bruyantes ou à des entrées et sorties perturbées. Certaines personnes dansent pendant le film. Des spectateurs ivres vont même jusqu’à dialoguer avec les personnages du film.
Les gens sont tellement habitués à faire ce qu’ils veulent lorsqu’ils regardent et postent des films chez eux que lorsqu’ils vont au cinéma, ils s’habillent, parlent et se comportent sans tenir compte des autres.
Certains cinémas ont recours à des vidéos pour rappeler aux spectateurs comment se comporter pendant les séances. Cependant, de nombreux directeurs se retrouvent coincés entre la nécessité de gagner de l’argent grâce à de nouvelles foules de clients indisciplinés et l’obligation d’expulser ceux qui causent du désordre.
L’espace public post-COVID s’est transformé pour le pire en détruisant les habitudes et coutumes fragiles qui protégeaient les interactions sociales. La nouvelle normalité est de s’attendre à des comportements scandaleux.
Autres habitudes sociales menacées
Le déclin de la civilité dans les espaces publics ne se limite pas aux spectacles. D’autres compétences sociales se sont dégradées au cours de la pandémie et il est difficile de s’en remettre.
Ces habitudes ont un impact sur le monde des affaires, de l’éducation et de la foi.
La grande perturbation se reflète dans les éléments suivants :
- la réticence des gens à revenir au bureau après des années de travail en ligne ;
- le déclin des compétences nécessaires pour organiser un déjeuner d’affaires ou des réunions en personne réussies ;
- la perte des habitudes pieuses des personnes qui ont cessé d’aller à l’église ;
- les difficultés des écoliers à rattraper leur retard scolaire et social après deux années d’isolement.
La fuite de la sociabilité et de la vertu
La fuite de la sociabilité pendant la pandémie a déclenché une manie de l’égocentrisme, du droit et du confort.
Dans leur isolement, les gens ne se souciaient pas de leur apparence devant les autres. Ils ne prêtaient pas non plus attention aux interactions sociales. Ils n’ont pas réalisé l’importance de ces vieilles habitudes sociales qui assuraient le bon fonctionnement de la société.
La pandémie a donc également une dimension morale qu’il convient d’aborder.
Elle n’a pas seulement dévasté les lignes d’approvisionnement, les institutions et l’éducation. Elle a brisé la pratique de la vertu qui sous-tend la civilité. La violence et l’inconduite dans les lieux publics sont le triste reflet de cette désolation. Une fois oubliées, ces habitudes ne se remplacent pas facilement.
Le pire, c’est que cette fuite de la vertu se produit dans une période de décadence sociale. La pandémie a considérablement accéléré ce processus. Aujourd’hui, des choses encore plus graves se profilent à l’horizon. Il ne suffit pas de restaurer les habitudes sociales en lambeaux. L’Amérique a besoin d’une régénération morale pour rétablir les principes qui sous-tendent les habitudes sociales.
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