Dans une tribune publiée dans les colonnes du Figaro, Ambroise Tournyol du Clos, professeur agrégé d’histoire-géographie, nous invite à retrouver le sens premier de l’école.
En voici quelques extraits.
L’enseignant commence par pointer le problème de l’autorité : « La crise de l’autorité est en effet, de loin, le défi le plus profond qui se dresse face à l’école comme face à la société. (…) L’école ne peut assumer seule l’exercice de l’autorité, sans risque de distorsion ou de contradiction. C’est à la société tout entière de réévaluer sa responsabilité dans ce domaine. Aux familles en premier lieu, puis aux institutions : l’Église, l’État, l’École. D’une part, en redécouvrant combien l’autorité forme un bien objectif, destiné à la croissance de l’homme plutôt qu’à sa sujétion. »
Et, en second lieu, poursuit-il, « (…) s’il est préparé avec sérieux et enthousiasme, le cours forme un apprentissage des grandes œuvres de l’esprit humain. L’autorité des lois scientifiques, des classiques de la littérature, des modèles que le passé déploie sous nos yeux doit continuer à exercer son prestige sur le cœur et l’intelligence de nos élèves pour enrichir leur liberté propre. Comment ne pas y reconnaître un privilège plutôt qu’une violence ? », interroge M.Tournyol du Clos.
« L’école vaut cependant bien davantage que par sa fonction politique. (…) » En effet, insiste-t-il, cette dernière « (…) n’est pas l’antichambre du marché du travail. Elle n’a pas pour fonction de préparer les producteurs de demain, d’anticiper les mutations de l’emploi, d’enfoncer dans l’esprit de nos élèves la crainte de leur avenir professionnel. »
Et d’interroger : « Saisis par l’utilitarisme actuel qui enjoint à l’école de mieux préparer ses troupes au marché du travail, nous avons à réaliser une révolution copernicienne dans notre manière de concevoir l’enseignement. (…) Les mathématiques, la grammaire, l’histoire, la musique, les sciences naturelles ne sont-elles qu’un prétexte pour trouver un jour sa place sur le marché du travail ? Ne nous révèlent-elles pas, chacune à leur manière, le mystère de la vie ? Plutôt que de le nier, d’en ricaner, ou de l’objectiver froidement, sommes-nous capables de faire goûter cette réalité à nos élèves ? »
Le professeur tire la sonnette d’alarme : « L’école souffre de cette posture qui fait du persiflage voltairien la marque d’une intelligence critique. À quoi nos élèves pourront-ils adhérer? Qu’apprendront-ils à contempler ? Comment pourront-ils apprendre à aimer si nous les installons dans l’ère d’un soupçon satisfait ? (…). »
« À l’heure de la crise écologique, n’est-il pas temps de promouvoir dans l’esprit de nos élèves une capacité à contempler le monde plutôt qu’à en tirer profit ? Nous venons de fêter le 400e anniversaire de la naissance de Blaise Pascal. Dans le célèbre fragment des deux infinis, l’auteur des Pensées nous fournit l’une des clés qui pourraient renouveler notre regard sur l’école: “Que l’homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté, qu’il éloigne sa vue des objets bas qui l’environnent. […] Que l’homme, étant revenu à soi, considère ce qu’il est au prix de ce qui est[…] Car enfin qu’est-ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout. Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d’où il est tiré, et l’infini où il est englouti.” »
Le professeur conclut par cette réflexion : « Mieux qu’une fabrique de républicains et de travailleurs, l’école n’est-elle pas le lieu d’épanouissement de l’intelligence et du cœur ? »
Source : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/mieux-qu-une-fabrique-de-travailleurs-l-ecole-est-le-lieu-d-epanouissement-de-l-intelligence-et-du-coeur-20230904
Source photo : https://pixabay.com/fr/photos/professeur-apprentissage-l%C3%A9cole-4784916/