De 775 à 800 un quart de siècle s’est écoulé. Durant cette période, il n’y a guère eu d’année au cours de laquelle  Charlemagne n’a pas entrepris de campagne militaire, que ce soit dans les marques (territoires frontaliers) espagnoles, dans le sud de la Gaule ou dans d’autres frontières du royaume franc.

Les rapporter, ou même les citer, va au-delà des limites de cet article. Bien que les marques espagnoles fussent déjà sécurisées en 799 et, en Méditerranée, les îles Baléares, la Corse et la Sardaigne fussent protégées par les troupes carolingiennes contre les attaques maures, les Saxons continuaient en ébullition.

Au début des années 800, Charles se trouvait en campagne, attendant l’aide de son fils Louis le Pieux, pour leur infliger une défaite définitive, lorsqu’il reçut des nouvelles de Rome.

Le Pape Léon III, qui avait succédé en 795 à Adriano I, avait été gravement agressé à Rome lors d’une procession le 25 avril 799, échappant de peu à l’assassinat.

Arrêté par des gens séditieux, le Pontife réussit à s’échapper et chercha du secours auprès de Charlemagne, qu’il rencontra à Paderborn (Allemagne) en août de la même année. Léon III resta jusqu’au début de l’automne à la cour de Charles, retournant à Rome avec une grande suite d’évêques et de soldats.

La sédition sous contrôle dans la Ville Eternelle, les assaillants ont été arrêtés et condamnés à mort. L’exécution fut reportée jusqu’à l’arrivée du roi des Francs.

Charlemagne arriva fin décembre de l’année suivante. Le 1er décembre 800, il a jugé dans la basilique Saint-Pierre les coupables de l’attentat contre le Pape, dont la condamnation à mort a été confirmée.

Léon III, de sa propre initiative, a prêté serment que les accusations dont il était l’objet étaient fausses et a demandé que leur peine de mort en exil soit commuée.

Le 25 décembre, dans la basilique Saint-Pierre, Charlemagne,  priant près de l’autel après la Messe solennelle, Léon III pose sur sa tête la couronne impériale, sous l’acclamation des Romains présents : " Vie et victoire à Charles, miséricordieux Auguste, grand et pacifique monarque couronné par Dieu ! ".

Eginhard (biographe de Charlemagne) affirme que Charles ne voulait pas cet honneur et qu’il ne serait pas allé à la Basilique Saint-Pierre s’il avait su ce qui allait se passer.

JB. Weiss, cependant, est d’avis que la manifestation de mécontentement de l’Empereur était plutôt un acte politique, car la dignité impériale déplaisait à beaucoup de ses sujets, craignant davantage de guerres et d’éventuels problèmes diplomatiques avec la Cour de Constantinople.

Quoi qu’il en soit, le geste de saint Léon III couronnant Charlemagne empereur la nuit de Noël 800, instaurant ainsi un empire de 1000 ans - le Saint Empire n’a été aboli par Napoléon Bonaparte qu’en 1804 - a eu une importance incommensurable pour la chrétienté.

Le poids, l’influence, le prestige de l’Empire se déplaçaient de l’Est, de Constantinople à l’Ouest.

C’est le christianisme occidental qui va entreprendre l’épopée de la christianisation des peuples barbares, des croisades contre les infidèles, de la découverte du Nouveau Monde, des missions en Afrique et en Asie - tout cela à partir de l’élan que la restauration de l’Empire romain apportera à la civilisation chrétienne occidentale.

Charlemagne mourut le 28 janvier 814, après avoir reçu le Viatique la veille. Il était la bonne personne au bon endroit, au bon moment. Et il y eut un Pape, saint Léon III, qui sut prophétiquement discerner les voies de la Providence.