Dans un entretien au Figaro, Maryvonne de Saint Pulgent, ancienne directrice générale du Patrimoine et auteur du nouvel ouvrage La Gloire de Notre-Dame: la foi et le pouvoir, souligne cet aspect si peu mis en valeur de la célèbre cathédrale : « Notre-Dame de Paris incarne l’identité de la France aux yeux de tous ».
En effet, explique la spécialiste, Notre-Dame est « la cathédrale du pouvoir depuis l’origine. Dès le IV? siècle, s’il y a une cathédrale dans l’île de la Cité, c’est parce qu’il y a un palais impérial. Depuis sa fondation, Notre-Dame est la cathédrale d’une capitale très importante et donc une cathédrale d’exception. Le lien avec le pouvoir est d’abord un lien de proximité géographique, mais qui se traduit aussi par une proximité entre l’évêque et le roi dans les combats communs. »
« Au Moyen Âge, le royaume capétien est le principal appui politique et militaire de la papauté dans sa lutte contre l’empereur germanique. C’est le seul royaume capable de fournir au pape des troupes d’appui. Le pape est donc obligé de ménager le roi capétien. C’est ainsi que naît l’alliance naturelle entre le pape et le roi de France, qui n’acceptent pas de se soumettre à l’autorité de l’empereur germanique, mais aussi entre le roi de France et l’évêque de Paris, qui, lui, ne veut pas se soumettre à l’autorité pontificale. Et de cette dernière alliance naît le gallicanisme. Notre-Dame est le lieu où sont proclamées pour la première fois les libertés gallicanes, en 1302, par les premiers états généraux de notre histoire. »
« Autant dire que l’intervention aujourd’hui du pouvoir politique, c’est une habitude forgée par les siècles ! Il n’y a aucune autre cathédrale où l’on verrait le chef de l’État se précipiter comme il l’a fait lors de l’incendie de 2019. Il est vrai qu’à Notre-Dame l’État est chez lui depuis la loi de 1905 et, évidemment, c’est près de l’Élysée. Sous les Bourbons, on disait que c’était la paroisse du roi ; c’est resté la paroisse du chef de l’État. »
Dans la conclusion de son ouvrage, Madame de Saint Pulgent écrit : « Rechargée en sacralité, en profondeur historique et en résonance émotionnelle, auréolée d’une gloire désormais planétaire, la mère de nos cathédrales redevient, pour toutes les générations et tous les pays, l’incarnation majestueuse et familière de l’identité de la France. »
Et de préciser : « Notre-Dame de Paris incarne l’identité de la France aux yeux de tous, quelle que soit leur religion. C’est le rôle qu’elle joue aujourd’hui : quand il y a un événement tragique, la nation va se recueillir à Notre-Dame. »
« Quand il y a eu les attentats terroristes de Paris en 2015, il y a eu une cérémonie à la cathédrale, bien que les victimes n’aient pas toutes été des catholiques pratiquants. C’est ce lieu où la nation se retrouve, soit pour se réjouir, soit pour commémorer, se recueillir et se réunir. Notre-Dame joue ce rôle consensuel de refondation régulière de la nation. Dans cette fonction-là, elle n’est plus simplement une cathédrale catholique. Et ce, depuis très longtemps. (…)»
« La Ire République avait voulu fonder un tel lieu au Panthéon, mais ça n’a pas fonctionné. Peut-être parce que le Panthéon n’a pas assez de charge sacrée. Ça a été une église, mais très vite désaffectée et rendue à la vie civile. Trop vite sans doute pour conserver suffisamment de charge sacrée. Or je pense qu’une République laïque a aussi besoin de sacré », conclut-elle.